Le Nouveau-Brunswick a-t-il vraiment un déficit structurel? Commentaire par Toby Sanger

Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a lancé récemment de grandes consultations publiques concernant la révision stratégique des programmes afin de trouver des économies ou d’augmenter les recettes de 500 à 600 millions de dollars afin, dit-il, de faire face à un « défi financier majeur ». Le gouvernement prétend que la province est aux prises avec un déficit structurel de 400 millions de dollars; qu’elle « vit au-dessus de ses moyens » et que des fonds additionnels sont nécessaires pour d’autres initiatives.

Il y a toutefois un gros problème avec cet exercice d’envergure : la province n’a pas de « déficit structurel » justement. Le fait n’est pas que l’empereur n’ait pas de vêtement, mais plutôt qu’il les cache et qu’il feint la pauvreté.

Un « déficit structurel » est un déficit qui demeure une fois que l’économie fonctionne à plein régime, et ce, en période de plein emploi. Par contre, un « déficit cyclique » n’existe que lorsque l’économie tourne au ralenti.

La province a, à tout le moins, un surplus structurel. Le déficit actuel du Nouveau-Brunswick s’élève à 255 millions de dollars pour l’année financière 2014-2015 — il s’agit bel et bien d’un déficit cyclique qui rapetisse rapidement et deviendra bientôt un surplus aussitôt que l’économie atteindra son plein potentiel.

Le Nouveau-Brunswick, avec un taux de chômage de 10 %, a beaucoup de chemin à faire pour atteindre son plein potentiel économique. En fait, nous parlons de plein emploi lorsque le taux de chômage se situe à 5 %. Avec un taux d’emploi supérieur à 5 % et les recettes connexes, les sources de revenus de la province, présentement estimées à 4,98 milliards de dollars pour cette année, seraient 5 % supérieures ou 250 millions de dollars plus élevés. Ces revenus additionnels et les dépenses plus faibles qui résulteraient d’un taux de chômage moins élevé suffiraient à effacer le déficit cyclique actuel de 255 millions de dollars.

Et si cela n’était pas suffisant, la province pourrait accroître les revenus en abolissant les réductions d’impôts mal-conçues adoptées juste avant la crise économique. Les revenus du Nouveau-Brunswick représentent à l’heure actuelle 25 % de l’économie de la province, un point de pourcentage sous la moyenne à long terme de 26 %. Le retour à la moyenne à long terme générerait des revenus additionnels de 320 millions de dollars.

Le programme de dépenses de la province se situe à 24 % de l’économie, ce qui est un tout petit peu en deçà de la moyenne à long terme de 24,1 %. À ce chapitre, le Nouveau-Brunswick est dans la moyenne des provinces canadiennes. Il est évident que le Nouveau-Brunswick ne dépense pas au-dessus de ses moyens. Toutefois, il ne perçoit pas des revenus à la mesure de ses besoins. La province devrait adopter des mesures pour augmenter ses revenus de façon équitable et graduelle, comme je l’ai déjà indiqué.

Effectuer d’autres réductions de dépenses maintenant viendrait ralentir la reprise économique et compliquerait davantage le retour à l’équilibre budgétaire. Les réductions de dépenses ont un impact beaucoup plus néfaste sur l’économie qu’une augmentation de taxes, surtout lorsque l’économie ne roule pas à plein rendement.

Les gouvernements précédents ont commis en fait les mêmes erreurs. Il y a quatre ans, le gouvernement Alward, avec l’aide de l’ancien économiste de la Banque TD, Don Drummond, avait aussi exagéré la situation financière de la province. Il a par la suite utilisé cet argument pour justifier des réductions dans les programmes au moment même où l’économie reprenait de la vigueur. En 2011-2012, le Nouveau-Brunswick a été la seule province à effectuer des réductions à l’ensemble de ses programmes. Cela a peut-être réduit temporairement le déficit, mais a aussi occasionné la pire dégringolade économique des 30 dernières années. Les taux de chômage étaient supérieurs à ceux enregistrés pendant les crises financières et économiques et les revenus moindres ont occasionné des déficits plus élevés.

Aux élections de l’automne dernier, les Néo-Brunswickois ont rejeté les mesures d’austérité du gouvernement précédent et son piètre bilan économique. Ils ont élu le gouvernement Gallant qui promettait de créer des emplois et de faire croître l’économie.

Malheureusement, le gouvernement Gallant semble avoir égaré son programme sur l’emploi et la croissance dès son arrivée en selle et a adopté le programme d’austérité budgétaire du gouvernement précédent. Le gouvernement Gallant a même nommé Michael Horgan, ancien sous-ministre des Finances du premier ministre Harper (lequel a été au cœur de l’application des mesures d’austérité du gouvernement fédéral) président du comité consultatif sur la révision stratégique des programmes du Nouveau-Brunswick.

Si le Nouveau-Brunswick n’a pas de déficit structurel, pourquoi le gouvernement prétend-il le contraire? À des fins politiques, selon moi, pour profiter de fonds supplémentaires à dépenser juste avant les prochaines élections. Vraisemblablement, le gouvernement Alward pensait en faire autant, mais cela n’a pas été un succès pour eux, mais bien un pour les Néo-Brunswickois.

Le gouvernement Gallant devrait concentrer et consulter la population sur sa promesse de créer des emplois et de faire croître l’économie. Il devrait concerter les employeurs, le mouvement ouvrier et le monde de l’éducation pour créer de bons emplois et apporter une valeur ajoutée à ses ressources. Ces discussions seraient peut-être plus dynamiques que celles où il demande aux gens où appliquer des coupes. En fin de compte, toutefois, ces discussions pourraient être plus productives et plus profitables.

La récente histoire de la province a démontré que vous ne pouvez pas réaliser la croissance en appliquant des coupes. De plus, si vous fabriquez une crise artificielle, vous pouvez vous retrouver avec une réelle crise.

Toby Sanger est économiste principal pour le Syndicat canadien de la fonction publique. Auparavant, il a agi comme économiste en chef du gouvernement du Yukon et conseiller économique principal du ministre des Finances de l’Ontario. Il produit la revue trimestrielle L’économie au travail, et l’hebdomadaire Coup d’œil sur l’économie. Il a aussi signé récemment Déficit Déjà Voodoo : le Nouveau-Brunswick est-il au bord du gouffre financier? (Deficit Déjà Voodoo: Is New Brunswick really headed off the fiscal cliff?)