Le Nouveau-Brunswick devrait-il suivre l’exemple de l’Ontario?

Depuis la récession économique de 2008, les milieux de travail de tous les secteurs au Canada ont subi des changements. Il y a eu une augmentation du travail précaire, avec plus de travailleurs à temps partiel et occasionnels que jamais, et des salaires stagnants malgré la hausse des gains économiques, même au Nouveau-Brunswick[1].

Le travail précaire décrit généralement des conditions de travail instables, des droits et protections limités en raison d’une augmentation du travail temporaire, à temps partiel, sous contrat ou sous-traité.[2] Il est difficile d’avoir une vue d’ensemble du travail précaire au Canada en raison de la nature du travail précaire. Toutefois, l’augmentation du travail à temps partiel et temporaire dans certains secteurs suggère l’émergence de travail instable pour de nombreux Néo-Brunswickois. Un nouveau rapport par Comptables professionnels agréés Canada souligne une forte augmentation du travail à temps partiel et temporaire dans les secteurs d’éducation, d’information, de la culture et des loisirs, et les services d’hébergement et de restauration. Le rapport fait observer que les travailleurs de ces deux derniers secteurs gagnent de 12 % et 30 % moins d’argent par heure que les autres Canadiens[3]. On mentionne également que les jeunes Canadiens, en particulier les femmes et les Canadiens plus âgés, sont les plus touchés par le travail précaire et que les niveaux d’éducation ne vous protègent pas du travail instable. L’économiste en chef de l’CPA souligne:

Chez les jeunes canadiens, les hommes et les femmes de la quasi-totalité des niveaux de scolarité sont devenus beaucoup plus susceptibles d’occuper un emploi à temps partiel. (…) Ces données viennent appuyer l’idée selon laquelle les jeunes font de plus en plus des études supérieures, mais peinent aussi de plus en plus à trouver un emploi à temps plein une fois leur diplôme obtenu (p.11).

Depuis 2008, au Nouveau-Brunswick, il y a eu une augmentation de travailleurs qui cherchaient du travail à temps plein et qui n’ont pas trouver un emploi à temps plein au cours du dernier mois[4]. En 2016, les collectivités du Nouveau-Brunswick représentaient également trois des 10 régions économiques dont le salaire horaire moyen était le plus bas au Canada[5]. Il est révélateur qu’au Nouveau-Brunswick, au cours des dix dernières années, la proportion de travailleurs salariés à temps plein, de travailleurs âgés, de travailleurs ayant un emploi pendant plus de cinq ans et de travailleurs ayant suivi des études postsecondaires a augmenté[6]. Cela signifie que les Néo-Brunswickois qui entrent sur le marché du travail font face à du travail précaire et que pour ceux qui ont toujours fait face à un travail précaire, les chances d’avancement sont limitées.

Les taux de syndicalisation sont également en baisse au Canada, passant de 37,6 % en 1981 à 28,8 % en 2014, avec une diminution plus marquée chez les hommes et les jeunes travailleurs[7]. Cela indique que moins de gens ont accès à des emplois stables avec des salaires décents, de bons avantages sociaux, des conditions de travail respectueuses et l’accès à la protection des droits et de plaidoyer. En 2016, au Nouveau-Brunswick, 94% des travailleurs rémunérés au salaire minimum n’étaient pas syndiqués[8].

Les lois du travail du Nouveau-Brunswick ont été mises à jour de façon sporadique au cours des dernières années. Il y a eu l’ajout d’un congé statutaire (le troisième dimanche de février chaque année), l’introduction prochaine d’une loi sur l’arbitrage d’une première convention collective et l’examen des normes d’emploi pour les jeunes travailleurs. Cependant, les changements du marché du travail et de l’économie et le vieillissement de la population du Nouveau-Brunswick créent un environnement dans lequel une révision et une réforme complètes des lois qui gouvernent les travailleurs au Nouveau-Brunswick sont nécessaires. Un tel exercice a été entrepris en 2015 dans la province de l’Ontario, avec le Changing Workplaces Review, un examen de l’évolution des lieux de travail. Ce processus a été mené par des conseillers spéciaux: C. Michael Mitchell, un avocat œuvrant dans le domaine du travail et de l’emploi, et l’honorable John C. Murray, un arbitre neutre à temps plein et médiateur. Les conseillers ont examiné la Loi de 2000 sur les normes d’emploi et la Loi de 1995 sur les relations de travail et ont produit un rapport. Le rapport, qui contient 173 recommandations, a conduit au dépôt et au passage du projet de loi 148, Loi de 2017 pour l’équité en milieu de travail et de meilleurs emplois qui a considérablement augmenté les droits des travailleurs. Le nouveau projet de loi a porté le salaire minimum à 15 $/l’heure, a augmenté le nombre de maladies graves et de congé parental, a ajouté un congé de violence conjugale, a ajouté des droits pour les entrepreneurs indépendants, modifié les dispositions relatives aux horaires de travail pour donner plus de stabilité aux travailleurs et fait en sorte qu’il est plus facile pour les travailleurs de se syndiquer.

Les travailleurs du Nouveau-Brunswick méritent autant d’améliorations que les travailleurs ontariens. Il est grand temps de procéder à un examen de la Loi sur les normes d’emploi, de la Loi sur les relations industrielles, de la Loi relatives aux relations de travail dans les services publics et de la Loi sur la Fonction publique. Un tel examen devrait être entrepris par des experts indépendants en droit du travail, choisis par un comité composé de représentants des salariés et des employeurs de parts égales, afin de veiller à ce que les droits des travailleurs soient maintenus et renforcés et sans avoir à récupérer. Ce processus d’examen approfondi serait une excellente façon de commencer à s’attaquer au travail précaire dans notre province.

Pour trouver d’autres recommandations pour améliorer le Nouveau-Brunswick, voir :  “Pour une société plus équitable: une plateforme électorale progressiste pour le Nouveau-Brunswick en 2018“.


Gabrielle Ross-Marquette est conseillère en recherche pour le Bureau régional des Maritimes du SCFP.

 

[1] Gouvernement du Nouveau-Brunswick (juin 2017). RBC révise à la hausse la prévision de croissance du PIB du Nouveau-Brunswick, http://www2.gnb.ca/content/gnb/fr/nouvelles/communique.2017.06.0862.html

[2] Organisation International du Travail (2011). Colloque d’ACTRAV sur le Travail Précaire (4-7 Octobre 2011) http://www.ilo.org/actrav/events/WCMS_153968/lang–fr/index.htm

[3] Comptables Professionnels Agréés Canada (2018). La progression du travail précaire au Canada : À la recherche de points de repère https://www.cpacanada.ca/fr/la-profession-de-cpa/a-propos-de-cpa-canada/les-principales-activites-de-cpa-canada/politiques-publiques-et-relations-avec-les-gouvernements/recherche-sur-leconomie-et-les-politiques/travail-precaire-canada

[4] Statistiques Canada (2018) Tableau 282-0013 CANSIM, http://www5.statcan.gc.ca/cansim/a34?lang=fra&mode=tableSummary&id=2820013&stByVal=2&p1=-1&p2=9

[5] Statistiques Canada (2017). Les 10 régions économiques avec la moyenne la plus basse du salaire horaire versé aux employés à temps plein, 2016, https://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/170615/t004a-fra.htm

[6] Gouvernement du Nouveau-Brunswick (2017). New Brunswick Minimum Wage Factsheet, Éducation postsecondaire, Formation et Travail, https://www.nbjobs.ca/sites/default/files/pdf/newbrunswickminimumwagefactsheet1.pdf

[7] Statistiques Canada (2017). Déclin de la syndicalisation, http://www.statcan.gc.ca/pub/11-630-x/11-630-x2015005-fra.htm

[8] Gouvernement du Nouveau-Brunswick (2017). New Brunswick Minimum Wage Factsheet, Éducation postsecondaire, Formation et Travail, https://www.nbjobs.ca/sites/default/files/pdf/newbrunswickminimumwagefactsheet1.pdf